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UTILISEZ L'ABSENCE POUR AUGMENTER LE RESPECT ET L'HONNEUR.



Une trop grande présence fait baisser votre valeur : plus on vous voit et vous entend, plus vous devenez banal. Si vous êtes déjà établi au sein d'un groupe, un retrait temporaire de celui-ci vous rendra plus remarqué, voire plus admiré. Il est essentiel d'apprendre à s'effacer au bon moment. Créez de la valeur par la rareté.

Sir Guillaume de Balaun était un troubadour qui parcourait le sud de la France au Moyen Âge, allant de château en château pour réciter des poèmes et jouer le rôle parfait du chevalier. Au château de Javiac, il rencontra et tomba amoureux de la belle maîtresse des lieux, Madame Guillelma de Javiac. Il lui chanta ses chansons, récita ses poèmes, joua aux échecs avec elle, et peu à peu, elle tomba à son tour amoureuse de lui. Guillaume avait un ami, Sir Pierre de Barjac, qui voyageait avec lui et qui fut également accueilli au château. Pierre tomba lui aussi amoureux d'une dame de Javiac, la gracieuse mais tempétueuse Viernetta.


Un jour, cependant, Pierre et Viernetta eurent une violente dispute. La dame le congédia, et il chercha l'aide de son ami Guillaume pour rétablir la situation et regagner ses bonnes grâces. Guillaume s'apprêtait à quitter le château pour un certain temps, mais à son retour, plusieurs semaines plus tard, il utilisa son talent et réussit à réconcilier Pierre et la dame. Pierre sentit que son amour avait décuplé, affirmant qu'il n'y a pas de sentiment plus fort que celui qui suit une réconciliation. Plus le désaccord est intense et long, lui dit-il, plus la paix retrouvée est douce.


En tant que troubadour, Sir Guillaume se faisait un point d'honneur d'expérimenter toutes les joies et les peines de l'amour. En entendant les paroles de son ami, il voulut lui aussi connaître le bonheur de la réconciliation après une querelle. Il feignit donc une grande colère envers Dame Guillelma, cessa de lui envoyer des lettres d'amour, quitta brusquement le château et resta absent, même lors des festivités et des chasses. Ce comportement rendit la jeune femme folle d'inquiétude.


Guillelma envoya des messagers pour comprendre ce qui avait bien pu se passer, mais Guillaume les renvoya. Il pensait que cela la mettrait en colère, l'obligeant ainsi à solliciter une réconciliation, comme Pierre l'avait fait. Cependant, son absence eut l'effet inverse : elle ne fit qu'augmenter l'amour de Guillelma. La dame commença alors à poursuivre son chevalier, lui envoyant messagers et billets doux. Cela était presque inouï—une dame ne poursuivait jamais son troubadour. Et cette attitude ne plut pas à Guillaume. L'audace de Guillelma lui fit penser qu'elle avait perdu une partie de sa dignité. Il n'était plus certain ni de son plan, ni de ses sentiments pour elle.


Finalement, après plusieurs mois sans nouvelles de Guillaume, Guillelma abandonna. Elle cessa d'envoyer des messagers, ce qui fit naître le doute en lui—était-elle finalement en colère? Peut-être que le plan avait fonctionné après tout? Tant mieux si c'était le cas. Il décida alors qu'il était temps de se réconcilier. Il enfila sa plus belle robe, orna son cheval de son plus élégant caparaçon, choisit un magnifique casque et se rendit à Javiac.


À l'annonce de son retour, Guillelma se précipita pour le voir, s'agenouilla devant lui, laissa tomber son voile pour l'embrasser, et implora son pardon pour toute offense ayant pu causer sa colère. Imaginez la confusion et le désespoir de Guillaume—son plan avait échoué de manière lamentable. Elle n'était pas en colère, elle était simplement plus amoureuse, et il ne goûterait jamais la joie de la réconciliation après une querelle. La voyant ainsi, et toujours désireux de connaître ce plaisir, il tenta une dernière fois : il la chassa avec des mots durs et des gestes menaçants. Elle partit, cette fois en jurant de ne plus jamais le revoir.


Le lendemain, le troubadour regretta ce qu'il avait fait. Il retourna à Javiac, mais la dame refusa de le recevoir, ordonnant à ses serviteurs de le chasser du château, au-delà du pont-levis et de la colline. Guillaume s'enfuit. Replié dans sa chambre, il s'effondra et se mit à pleurer : il avait commis une terrible erreur. Au cours de l'année suivante, incapable de voir sa dame, il éprouva cette absence, cette terrible absence qui ne fait qu'attiser l'amour. Il composa l'un de ses plus beaux poèmes, *Mon chant s'élève en prière de miséricorde*. Il envoya de nombreuses lettres à Guillelma, expliquant ses actions et implorant son pardon.


Après bien des suppliques, Dame Guillelma, se remémorant ses beaux chants, sa prestance, et ses talents en danse et en fauconnerie, se surprit à désirer son retour. En guise de pénitence pour sa cruauté, elle lui ordonna d'arracher l'ongle de son petit doigt droit et de le lui envoyer accompagné d'un poème décrivant ses souffrances.


Il obéit à sa demande. Finalement, Guillaume de Balaun put goûter à la sensation ultime—une réconciliation surpassant même celle de son ami Pierre.

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